La triade irlandaise, tome 1: Aughrus Point, de Gérard Coquet

La triade irlandaise, tome 1: Aughrus Point, de Gérard Coquet,

Publié aux éditions M+,

2023, 412 pages.

Ciara fait partie de la garda irlandaise (la police). Elle est contrainte de revenir sur ces terres natales afin d’enquêter sur une série de meurtres. Elle n’est pas en odeur de sainteté sur cette terre de Lochs. Les rancœurs et l’amertume refont surface avec pour toile de fond les luttes indépendantistes. Mais Ciara est dotée d’un sacré caractère et elle est bien décidée à élucider cette affaire…

Aughrus Point est donc le premier tome d’une saga consacrée à Ciara McMurphy. Elle est issue d’une famille d’indépendantistes et elle est devenue policière au sein de la garda. Autant dire qu’elle vit avec une cible rouge accrochée dans le dos. L’enquête débute par une série de meurtres sordides qui semblent n’avoir rien à voir les uns avec les autres. Pourtant, la piste privilégiée sera celle des activistes indépendantistes.

Ce premier tome est un thriller rythmée, sans aucun temps mort. Les morts, d’ailleurs, les vrais, s’accumulent au fil des pages dans un jeu de piste sanglant. J’ai beaucoup aimé ce roman que j’ai dévoré avant tout pour la plume de l’auteur, un rien gouailleuse. Il aime les mots, les répliques bien senties.

De nombreuses histoires vont s’entremêler au fil des pages. C’est parfois un peu difficile à suivre au niveau politique car l’auteur connaît parfaitement son sujet et nous entraîne au cœur de la lutte indépendantiste irlandaise. Il connaît l’Irlande par cœur et nous entraîne sur ces terres de légendes avec brio.

Le seul Bémol revient pour moi à ce soupçon d’ésotérisme dont l’auteur aurait pu se passer. L’enquête se suffit à elle-même, tout comme le personnage savoureux de Ciara!

En bref, j’ai beaucoup aimé ce thriller et j’ai surtout découvert une plume savoureuse!

Au nom du père de Ulf Kvensler

Au nom du père de Ulf Kvensler,

Publié aux éditions de la Martinière,

2024, 464 pages.

Isak vit avec sa petite amie Madde dans une petite ville de Suède. Isak s’occupe de personnes âgées. Il n’a plus que son grand-père comme famille après que sa mère et sa sœur ont péri dans un incendie alors qu’Isak avait six ans. Toujours hanté par ce drame, il a coupé les ponts avec son père. Mais ce dernier l’appelle un jour. Il a une tumeur au cerveau et va mourir. Il aimerait revoir Isak et se faire pardonner son absence. Isak accepte de se rendre sur l’île de Gotland, un lieu sauvage et isolé, là où vit son père…

Ulf Kvensler propose là un roman noir sur la famille et la manipulation. Isak est un jeune homme fragile et influençable qui s’est construit sans ses parents et qui a survécu à un drame inouï. Lorsque son père reprend contact, Isak est perdu. Mais on ne refuse pas la main tendue par un mourant.

Ce roman se déroule presque en huis-clos puisque l’île sur laquelle vit le père d’Isak est coupée du monde. Un lieu idéal pour des retrouvailles familiales. Très rapidement, l’ambiance est tendue. Ce père apparaît comme une figure tour à tour excentrique et inquiétante tandis que les souvenirs d’enfance d’Isak refont peu à peu surface.

Ce thriller psychologique est plutôt bien construit. La tension s’installe et la noirceur des âmes se révèlent au grand jour. On se demande jusqu’où Isak va aller avec son père et le lecteur se surprend à chercher des solutions pour tout arrêter avant que la machine ne s’emballe. On se rend compte assez tôt du piège dans lequel Isak est tombé et on ne peut que l’observer se débattre dans cette toile tissée d’une main de maître.

La figure du père est bien sûr centrale. Comment lui résister? Comment se construire sans? Peut-on vivre avec cette absence d’ailleurs? L’auteur soulève des questions très intéressantes et montre qu’on n’échappe jamais à ses racines.

« Au nom du père » est un roman noir qui m’a beaucoup plu. Jouant sur le principe de dualité et de culpabilité, il entraîne le lecteur très loin dans la noirceur de l’âme humaine.

Arborescentes, Tome 1 de Frédéric Dupuy

Arborescentes, Tome 1 de Frédéric Dupuy,

Publié aux éditions Bragelonne,

2024, 384 pages.

Au fin fond de la jungle amazonienne, une équipe de scientifique découvre la plante-grenouille, une plante capable de tout guérir. Dans le même temps, en France, un laboratoire pharmaceutique est prêt à tout pour mettre la main sur cette panacée quitte à tout détruire sur son passage. Tandis que dans un orphelinat, Hélène s’empêche de dormir à tout prix pour ne pas finir comme sa mère, victime du syndrome de la Belle au bois dormant. Bientôt, un nouveau monde apparaît, bien caché de tous…

Arborescentes est une oeuvre hybride, étrange à l’image de l’univers construit par l’auteur. A mi-chemin de la SF, du conte merveilleux et de la fantasy, Frédéric Dupuy embarque son lecteur dans un monde incroyable. Il oscille sans cesse avec le réalisme de notre monde, teinté de cynisme à l’image de cette firme pharmaceutique prête à tout et un univers coloré, complètement barré.

Il s’agit ici d’un tome 1 (la saga en promet 4). L’auteur prend donc le temps d’introduire son univers et ses personnages à l’image de cette fillette Hélène, atteinte d’une maladie étrange. Tour à tour détestable et attendrissante, elle va pénétrer dans un monde qu’on pourrait qualifier à première vue de féérique. C’est ici que l’auteur déploie tout son talent de conteur. Hélène pénètre « de l’autre côté », un peu comme Alice au Pays des merveilles qui tombe dans le terrier du Lapin blanc.

En réalité, ce roman est une vraie expérience de lecture. Il faut se laisser entraîner par les fantaisies de l’auteur toujours justes et bien trouvées (mais où donc va-t-il chercher tout ça?). Il y a un peu de Tim Burton là-dedans, de Lewis Carroll. Farfelue, étrange, bizarre, il faut tenter cette lecture qui immerge complètement et prend parfois au dépourvu son lecteur!