Au nom du père de Ulf Kvensler

Au nom du père de Ulf Kvensler,

Publié aux éditions de la Martinière,

2024, 464 pages.

Isak vit avec sa petite amie Madde dans une petite ville de Suède. Isak s’occupe de personnes âgées. Il n’a plus que son grand-père comme famille après que sa mère et sa sœur ont péri dans un incendie alors qu’Isak avait six ans. Toujours hanté par ce drame, il a coupé les ponts avec son père. Mais ce dernier l’appelle un jour. Il a une tumeur au cerveau et va mourir. Il aimerait revoir Isak et se faire pardonner son absence. Isak accepte de se rendre sur l’île de Gotland, un lieu sauvage et isolé, là où vit son père…

Ulf Kvensler propose là un roman noir sur la famille et la manipulation. Isak est un jeune homme fragile et influençable qui s’est construit sans ses parents et qui a survécu à un drame inouï. Lorsque son père reprend contact, Isak est perdu. Mais on ne refuse pas la main tendue par un mourant.

Ce roman se déroule presque en huis-clos puisque l’île sur laquelle vit le père d’Isak est coupée du monde. Un lieu idéal pour des retrouvailles familiales. Très rapidement, l’ambiance est tendue. Ce père apparaît comme une figure tour à tour excentrique et inquiétante tandis que les souvenirs d’enfance d’Isak refont peu à peu surface.

Ce thriller psychologique est plutôt bien construit. La tension s’installe et la noirceur des âmes se révèlent au grand jour. On se demande jusqu’où Isak va aller avec son père et le lecteur se surprend à chercher des solutions pour tout arrêter avant que la machine ne s’emballe. On se rend compte assez tôt du piège dans lequel Isak est tombé et on ne peut que l’observer se débattre dans cette toile tissée d’une main de maître.

La figure du père est bien sûr centrale. Comment lui résister? Comment se construire sans? Peut-on vivre avec cette absence d’ailleurs? L’auteur soulève des questions très intéressantes et montre qu’on n’échappe jamais à ses racines.

« Au nom du père » est un roman noir qui m’a beaucoup plu. Jouant sur le principe de dualité et de culpabilité, il entraîne le lecteur très loin dans la noirceur de l’âme humaine.

Arborescentes, Tome 1 de Frédéric Dupuy

Arborescentes, Tome 1 de Frédéric Dupuy,

Publié aux éditions Bragelonne,

2024, 384 pages.

Au fin fond de la jungle amazonienne, une équipe de scientifique découvre la plante-grenouille, une plante capable de tout guérir. Dans le même temps, en France, un laboratoire pharmaceutique est prêt à tout pour mettre la main sur cette panacée quitte à tout détruire sur son passage. Tandis que dans un orphelinat, Hélène s’empêche de dormir à tout prix pour ne pas finir comme sa mère, victime du syndrome de la Belle au bois dormant. Bientôt, un nouveau monde apparaît, bien caché de tous…

Arborescentes est une oeuvre hybride, étrange à l’image de l’univers construit par l’auteur. A mi-chemin de la SF, du conte merveilleux et de la fantasy, Frédéric Dupuy embarque son lecteur dans un monde incroyable. Il oscille sans cesse avec le réalisme de notre monde, teinté de cynisme à l’image de cette firme pharmaceutique prête à tout et un univers coloré, complètement barré.

Il s’agit ici d’un tome 1 (la saga en promet 4). L’auteur prend donc le temps d’introduire son univers et ses personnages à l’image de cette fillette Hélène, atteinte d’une maladie étrange. Tour à tour détestable et attendrissante, elle va pénétrer dans un monde qu’on pourrait qualifier à première vue de féérique. C’est ici que l’auteur déploie tout son talent de conteur. Hélène pénètre « de l’autre côté », un peu comme Alice au Pays des merveilles qui tombe dans le terrier du Lapin blanc.

En réalité, ce roman est une vraie expérience de lecture. Il faut se laisser entraîner par les fantaisies de l’auteur toujours justes et bien trouvées (mais où donc va-t-il chercher tout ça?). Il y a un peu de Tim Burton là-dedans, de Lewis Carroll. Farfelue, étrange, bizarre, il faut tenter cette lecture qui immerge complètement et prend parfois au dépourvu son lecteur!

Cathédrale de Hermine Lefebvre

Cathédrale de Hermine Lefebvre,

Publié aux éditions Majik,

2024, 520 pages.

Cathédrale est une université d’élite qui n’accueille que les héritiers des grandes familles, à quelques exceptions. Frédéric est fils d’ouvrier mais il a le don de soumettre tous les métaux à sa volonté. Il entre donc à Cathédrale, confiant. Lionel, son parrain, l’accompagne. Ce dernier est fils de duc. Quand l’unité du royaume menace de s’effondrer, la Reine lance un défi: retrouver le Cœur de Cathédrale qui permettra de réunifier les duchés. Lionel et Frédéric se lancent dans cette quête.

Cathédrale est un roman de fantasy dont je ressors très mitigée. Je lui ai trouvé de très bonnes choses mais certains point m’ont déçu. C’est assez paradoxal mais je trouve que ce roman est à la fois très travaillé mais pas suffisamment abouti pour autant.

On sent d’abord que l’autrice a beaucoup travaillé sa plume. On ne peut pas lui reprocher. Elle écrit très bien, peut-être même trop bien. Certains passages sont ampoulés et j’ai parfois eu du mal avec son style. Je comprends sa manière de faire pourtant: elle a voulu adapter son écriture au contexte social, à savoir celui de Cathédrale, un univers dans lequel évolue des nobles.

Tout est très travaillé dans ce récit et pourtant, je suis restée sur ma faim. En fait, l’autrice a eu de très bonnes idées: cette Cathédrale qui semble vivre et influencer ses habitants, les génies de certains personnages qu’on aperçoit une ou deux fois, le don de Frédéric. On aperçoit parfois des bribes de magie mais celle-ci n’est jamais clairement exploitée à fond. J’aurais aimé en découvrir plus et être immergée dans ce système de magie. Par exemple, que fait Frédéric avec son professeur lorsque celui-ci lui fait travailler son talent? Mystère.

Finalement, l’autrice s’est surtout concentrée sur les relations sociales entre ses personnages: la rencontre entre Lionel et Frédéric, la noblesse et le peuple. On se retrouve dans une espèce de lutte des classes dans laquelle je ne me suis pas forcément reconnue.

Ceux qui aiment le côté Dark academia seront servis mais il faut compter sur une immersion assez lente dans cet univers.

Je suis donc passée à côté de cette lecture qui paraissait pourtant prometteuse. Je regrette que l’autrice ne soit pas allée plus loin dans son système de magie.