Le Peintre d’éventail d’Hubert Haddad

 

 Le peintre d’éventail d’Hubert Haddad,

 Publié aux éditions Folio,

 2014, 180 pages,

 Pour l’acheter: Le peintre d’éventail

 

 

 

 

 

 

 

C’est au fin fond de la contrée d’Atôra, au nord-est de l’île de Honshu, que Matabei se retire pour échapper à la fureur du monde. Dans cet endroit perdu entre montagnes et Pacifique, se cache la paisible pension de Dame Hison dont Matabei apprend à connaître les habitués, tous personnages singuliers et fantasques. Attenant à l’auberge, avec en surplomb la forêt de bambous et le lac Duji, se déploie un jardin hors du temps. Insensiblement, Matabei s’attache au vieux jardinier et découvre en lui un extraordinaire peintre d’éventail et un subtil haïkiste. Il devient peu à peu le disciple dévoué de maître Osaki. Fabuleux labyrinthe aux perspectives trompeuses, le jardin de maître Osaki est aussi le cadre de déchirements et de passions, bien loin de la voie du Zen, en attendant d’autres bouleversements…

Je tiens tout d’abord à remercier Livraddict et les éditions Folio pour m’avoir permis de découvrir ce petit roman. C’est avant tout la couverture du livre qui a arrêté mon choix. Cette peinture japonaise m’a plu tant par ses couleurs que par son thème et après la lecture du roman, je trouve qu’elle illustre bien le récit de l’auteur.

Le Peintre d’éventail est un court roman qui met en scène Hi-Han, jeune homme qui trouve refuge dans un auberge à Atôra, dans le Nord-Est de l’île d’Honshu. Là-bas, il se lie d’amitié avec Matabei. Matabei est un homme fascinant, qui après avoir vécu cent vies, a décidé de se retirer du monde. Dans cette petite auberge tenue par Dame Hison, Matabei fait office de jardinier. Et quel jardinier! Il a beaucoup appris de son prédécesseur Osaki, peintre d’éventail merveilleux, sage parmi les sages. Auprès de lui Matabei a beaucoup appris et il tente de perpétuer la tradition en s’attachant le jeune Hi-Han comme disciple.

A travers le destin de ces trois hommes, Osaki, Matabei puis Hi-Han, l’auteur dessine et raconte un Japon somptueux, peut-être un peu fantasmé tel qu’on peut se l’imaginer. Avec quelques idées, quelques descriptions simples, l’auteur amène son lecteur à découvrir un jardin zen dans lequel on aimerait se perdre. Auprès d’Osaki, Matabei va apprendre l’art de la patience. Chaque chose a sa place et organiser le jardin c’est organiser un petit monde, c’est créer sa propre cosmogonie.

Et puis Matabei va aussi apprendre l’art de la peinture et du haïku aux côtés d’Osaki. L’auteur peint avec plaisir ces éventails délicats, finement ouvragés, ornés chacun d’un haïku. Il en émaille son texte pour le plus grand plaisir du lecteur amateur de poésie et de légèreté rêveuse.

La première partie du récit est donc consacrée à cette douceur de vivre et à cet art du zen et du haïku et puis tout bascule à la moitié du roman. En effet, alors qu’il se promène dans la forêt, Matabei assiste impuissant à l’écroulement de son monde. Derrière le nom d’Atôra se dissimule celui, terrible, de Fukushima. Le tremblement de terre a provoqué un tsunami qui a tout emporté sur son passage. Quand Matabei revient dans la plaine, il constate l’étendue des dégâts. L’auberge et ses habitants ont été détruits. Un bateau de pêche est même venu s’encastrer dans le jardin. Il n’y a plus ni éventails, ni haïkus. Tout a été pulvérisé. Matabei décide alors de rester malgré la menace radioactive. Il va se préoccuper d’abord de ses morts pour leur offrir une sépulture digne.

En quelques pages, Hubert Haddad fait basculer son lecteur de la contemplation parfaite à l’horreur. Alors que tous fuient la contamination et la mort, Matabei est le seul à rester pour veiller et s’occuper des morts. Qui en effet pourra témoigner? Qui pourra restaurer les fameux éventails d’Osaki? Il part s’installer dans la montagne un peu en hauteur. Il se sait condamné mais reste pour la beauté des mots du maître. A la fin du récit, il sera rejoint par Hi-Han, revenu mais pour quoi?

Si la première partie du roman m’a ravie parce qu’elle parle d’un Japon idéal et rêvé, j’ai particulièrement aimé la manière dont l’auteur développait la seconde. Il parle de la catastrophe de Fukushima sans voyeurisme aucun. Matabei est celui qui reste et qui incarne une sorte de résistance face à l’horreur de la catastrophe. J’ai été bouleversée par ces quelques pages qui relatent pudiquement la destruction d’un monde parfait. Le Peintre d’éventail est un magnifique roman qui témoigne de la fin d’une sorte de quiétude idéale.

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