La femme au miroir, Eric-Emmanuel Schmitt

Titre VF: La femme au miroir  

Auteur: Eric-Emmanuel Schmitt

Publié aux éditions Albin Michel, 2011

 

 

 

 

 

 

 

Dans ce roman, le lecteur croise la route de trois femmes à différentes époques. Les chapitres s’alternent pour se consacrer toujours à l’une d’entre elles.

Il y a d’abord Anne. Elle vit à Bruges au 16ème siècle. C’est une jeune fille qui a perdu ses parents très jeunes. Recueillie par sa tante Godeliève, elle est sur le point de se marier. Mais Anne hésite. Elle sait, au fond d’elle, qu’elle n’est pas faite pour s’unir à un homme. Elle aime la nature par-dessus tout et peut s’émouvoir devant la beauté d’un papillon ou d’un rayon de soleil. Alors qu’un loup menace la sécurité des habitants, Anne se met en tête d’aller à sa rencontre. Elle devient vite une Sainte aux yeux des citadins: celle qui a échappé au loup.

La deuxième histoire nous projette à Vienne au début du 20ème siècle. Hanna a tout pour être heureuse. Elle a épousé un homme riche qu’elle aime. Elle est entourée de beau monde et fréquente les théâtres, les opéras. Seule ombre au tableau: Hanna n’arrive pas à tomber enceinte. Sa tante Vivi, femme espiègle et libérée, lui conseille de consulter un médecin disciple de Sigmund Freud. D’abord réticente, Hanna devient adepte de la psychanalyse et découvre, cachés au fond d’elle, les traumatismes qui l’empêchent d’avancer et de se réaliser en tant que femme.

Enfin, il y a Anny. C’est une jeune actrice Hollywood, l’étoile montante du cinéma. Pourtant Anny est malheureuse: elle enchaîne les histoires d’une nuit; elle se drogue; elle boit à en perdre la raison. Sa rencontre avec Ethan va tout chambouler. Lui seul comprend qui est vraiment Anny: une jeune femme à fleur de peau qui n’arrive à oublier son mal-être que dans le jeu.

 

Trois femmes, trois époques, trois destins différents: trois romans en un mais finalement une seule voix qui s’élève. J’ai beaucoup aimé ce roman. Il est très agréable à lire: l’écriture est fluide.Les pages se tournent rapidement car on cherche à découvrir ce que ces trois femmes peuvent bien avoir en commun.

J’ai aimé suivre le destin de chacune de ces femmes hors du commun. Ma préférence va cependant au récit d’Hanna car c’est elle qui raconte son histoire. En effet, elle entretient une relation épistolaire avec son amie Gretchen. Ainsi nous avons son point de vue direct puisqu’elle dit « je ». J’aime aussi particulièrement cette époque de l’avant-guerre où les idées, l’art et la littérature bouillonnent. Hanna sera l’une des premières patientes à expérimenter la psychanalyse: les scènes où elle raconte son traitement et ses conséquences sont très bien décrites et très intéressantes.

J’ai aimé aussi l’histoire d’Anne même si certains points m’ont paru plus obscurs puisque la religion intervient beaucoup dans ces pages. Anne est une jeune fille qui aime la nature: elle a le don d’apaiser les gens et les animaux. Lorsqu’elle est prise pour une sainte, son destin s’emballe. Pure et innocente, elle ne voit pas que les hommes ne jurent que sa perte. Sa fin se devine aisément. On suit ce petit bout de femme qui n’aspire qu’à aider et à aimer les autres. Braindor le moine et la Demoiselle sont les seuls à percevoir qu’Anne est unique, en avance sur les idées de son temps.

J’ai par contre beaucoup moins aimé le portrait d’Anny. Je trouve que l’auteur s’en sort moins bien avec cette jeune fille qui paraît du coup plus superficielle et plus fade par apport aux deux autres personnages féminins. La vie d’Anny se résume au sexe, à la drogue, à l’alcool. L’auteur nous laisse bien entrevoir une toute autre personnalité d’Anny, loin des projecteurs et des paillettes. Cependant, c’est le personnage avec lequel j’ai eu le moins d’empathie. J’ai trouvé les dialogues surjoués, à l’image d’Anny qui en fait toujours trop. C’est celle pour laquelle je me suis le moins prise au jeu. Anny a même tendance à énerver: sa personnalité d’enfant gâtée du cinéma m’a un peu tapé sur le système.

On ne voit pas bien le rapport entre ces trois femmes au début du roman. Et puis les personnalités commencent à s’esquisser, à s’estomper pour ne former plus qu’un. On comprend rapidement que le sort de ces trois femmes est lié et qu’elles ont beaucoup en commun: elles sont toutes les trois différentes, à fleur de peau et en décalage avec leur époque. Jusqu’à la fin, on suit avec curiosité le destin de toutes ces femmes jusqu’au final qui permet de les rassembler enfin. C’est d’une manière originale que l’auteur aborde la liberté des femmes et leur place dans la société. Elle se reflètent toutes l’une, l’autre pour ne former finalement qu’un visage, qu’une entité.

La femme au miroir est un livre à découvrir: un très bon moment de lecture.

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