Trois filles et leurs mères: Duras, Beauvoir, Colette de Sophie Carquain

 Trois filles et leurs mères: Duras, Beauvoir, Colette de Sophie Carquain,

 Publié aux éditions Charleston,

 2014, 296 pages,

 Pour l’acheter: Trois filles et leurs mères

 

 

 

 

 

Trois femmes. Nées au tournant du siècle, entre 1873 et 1914, Colette, Simone de Beauvoir, et Marguerite Duras ont un point commun : celui d’avoir une hyper-mère, qu’elle soit fusionnelle (comme Sido), autoritaire (comme Françoise de Beauvoir) ou ambivalente (chez Duras).

Trois destins. Sophie Carquain fait revivre les trois monstres sacrés dans leurs décors : l’exotisme de l’Indochine des années 20 chez Duras, la bourgeoisie du début de siècle chez Beauvoir, la Bourgogne pour Colette. Et raconte comment elles ont construit leur univers et pris la plume pour se distancer de « Big Mother ». Pour exister.

 
Tout d’abord un grand merci à Babelio et aux éditions Charleston qui m’ont permis de découvrir cet ouvrage lors de l’opération Masse critique du mois de juin. J’ai été séduite par ces biographies romancées avec talent par l’auteur Sophie Carquain.

A travers son ouvrage, l’auteur se propose de nous raconter la vie de trois écrivains exceptionnels, trois femmes au talent incomparable, trois monstres sacrés de la littérature. Mais l’auteur va plus loin et aborde la vie de Duras, Beauvoir et Colette sous un angle original: celui de leur relation, souvent compliquée, avec leur mère.

La première partie du livre s’intéresse à Marguerite Duras. C’est peut-être la biographie qui m’a le plus bouleversée en tant que femme. Je ne connaissais pas la vie de Duras mis à part le fait qu’elle avait vécu bien entendu en Indochine et que ses romans se nourrissaient de cette expérience. Sophie Carquain nous raconte l’histoire terrible de cette petit Marguerite, pas vraiment désirée: sa mère l’a eu sur le tard, à 38 ans, âge indécent pour avoir un enfant à l’époque. Dès le début de sa vie, Marguerite est séparée de sa mère, rapatriée en France pour y être soignée. La séparation durera 10 mois: 10 longs mois d’absence qui creuseront dès le départ un fossé entre Marguerite et sa mère. Et puis il y a cet amour terrible que la mère de Marguerite nourrit pour son fils aînée Pierre. Un jour Marguerite demande à sa mère pourquoi elle ne l’aime pas autant que Pierre: sa mère ne saura que répondre.

S’ensuit une vie de non-dits, de secrets, de trahisons. La vie de Marguerite est marquée par l’absence de gestes tendres, de discussions fille-mère, de mots d’amour. Et puis vient la honte d’avoir une mère aussi négligée, aussi peu cultivée. Marguerite Duras va alors se réfugier dans les livres puis dans l’écriture.

Avec Simone de Beauvoir, l’auteur change de monde, de classe sociale. Simone est élevée dans une famille bourgeoise par une mère très pieuse. On ne parle ni de sexe ni d’argent. On va à la messe deux fois par semaine. Simone est une fillette intelligente qui apprend à lire seule et qui va se révéler brillante! Mais l’ombre de sa mère plane au-dessus d’elle. Sa mère est elle aussi avare de tendresse. Elle cherchera à contrôler ses deux filles toute sa vie à travers leur lecture (pas un seul livre n’est donné aux filles avant qu’il n’ait été validé) et leur correspondance qu’elle lira jusqu’à leur adolescence. Là encore, Simone grandit contre ce modèle féminin corseté, soumis à l’homme, étriqué dans un monde bourgeois. C’est grâce à la lecture et à l’écriture que Simone saura dire « non » et prendra son envol.

Enfin, avec Colette, Sophie Carquain dresse le portrait d’une mère aimante, tendre, douce, presque trop peut-être. Sido aime sa fille Colette au point de ne former qu’un avec elle durant toute l’enfance de la fillette. Elle la laisse très libre: Colette a le droit de rentrer seule de l’école, parle de tout avec sa mère, lit énormément. Sophie Carquain nous raconte ici une relation fusionnelle, passionnelle entre une mère et une fille, une passion qui ne devrait appartenir qu’aux amoureux. Lorsque Colette quitte sa mère pour s’installer à Paris, Sido lui écrit parfois plusieurs lettres par jour et reproche à Colette son manque d’amour et de considération quand elle tarde trop à répondre.

A travers ces trois portraits, Sophie Carquain nous raconte le destin de trois filles élevées par des mères étouffantes, exigeantes, dures. Elles ont toutes influencé leurs filles, les poussant à s’envoler loin du nid familial et à trouver leur propre voie. J’ai été bouleversée par la narration de l’enfance de Marguerite Duras, presque poussée à la prostitution par cette mère mortifère. On sent pourtant le lien indéfectible qui attache toutes ces filles à leurs mères. L’amour est là même s’il est peu, pas ou mal exprimé. Habilement, l’auteur glisse quelques notions de psychologie ni creuses ni pompeuses mais qui viennent étayer son propos.

Sophie Carquain narre avec passion la vie de ces trois femmes. En romançant ces biographies, elle procure une intense émotion à son lecteur. Bref, c’est un coup de cœur pour moi. J’ai lu avec passion ces biographies, j’ai vibré, souffert aux côtés de ces trois femmes et j’ai appris. A travers ces relations mères-filles, chaque lectrice se reconnaîtra un peu. Il est si difficile d’être mère, si difficile d’être fille…

3 réflexions sur “Trois filles et leurs mères: Duras, Beauvoir, Colette de Sophie Carquain

  1. Pingback: Mes partenariats | carolivre

  2. Je suis heureuse de voir que tu as apprécié ta lecture car comme tu le sais je l’ai apprécié aussi. On en apprend un peu plus sur ces trois auteures et sur ce qui les a amené à choisir ce métier ainsi que leurs inspirations.
    Bonne soirée!

Laisser un commentaire